Essai Harley-Davidson Softail Slimpar Loic Depailler | 30.03.2012Laissez le charme agir…
La nouvelle Harley Davidson Softail Slim
Les gars de Milwaukee en charge du développement produit n’ont pas un job facile ! Mettez vous à leur place, Harley-Davidson est une marque centenaire élevée au rang d’icône par certains et quelquefois conspuée par d’autres. Et que l’on soit pro ou anti, HD n’en demeure pas moins LA référence incontournable sur le créneau du custom… Il leur faut donc continuer à contenter le noyau dur de leur clientèle tout en séduisant une nouvelle une frange de la population motarde ! Vous me rétorquerez qu’ils ne sont pas seuls dans ce cas-là,
BMW a sa GS,
Honda sa Goldwing, Porsche sa 911. Mais dans le cas de Harley, l’équation est autrement plus complexe puisque les critères d’achat d’un custom sont infiniment plus subjectifs (polyvalence ? efficacité ?) et quand Honda se “contente” de réviser sa Gold une fois par décennie, la firme américaine doit composer chaque année avec une gamme qui comporte aujourd’hui 31 modèles ! Et
la nouvelle Softail Slim incarne à merveille les paradoxes et contradictions de l’évolution sans révolution des customs made in USA. Explications…
Découverte
La silhouette de la Slim est intemporelle puisqu’elle reprend le fameux cadre Softail apparu en 1984 -avec sa cinématique de suspension dissimulée sous le cadre- lui-même inspiré par l’esthétique des touts premiers cadres rigides Harley qui firent le bonheur de HD et des kinésithérapeutes de 1903 à 1952 ! Mais là où la Slim se différencie du reste de la gamme Softail, c’est par son esthétique inspiré des “Bobber”, courant esthétique à tendance minimaliste apparu après la deuxième guerre mondiale. Le pourcentage de chrome est donc ici revu nettement à la baisse, les garde-boue sont raccourcis, la selle s’affine et devient monoplace et le traditionnel feu arrière disparaît, les diodes rouges étant dorénavant intégrées dans les clignotants. N’oublions pas le nouveau guidon Hollywood, exclusivement réservé à la Slim. Deux jantes à rayons de 16 pouces agrémentées d’un voile noir viennent compléter le tableau.
L’ensemble flatte la rétine avec un design épuré et des proportions biens équilibrées entre l’avant et l’arrière mettant particulièrement en valeur le nouveau twin de 103 cubic inch (1690 cm3 chez nous) qui remplace désormais le Twin Cam 96 sur l’ensemble de la gamme.
Toujours refroidi par air (ce sacrilège est réservé au
V-Rod), La finition est à l’avenant et même en fourrant son nez un peu partout, difficile de prendre la Slim en défaut. Très peu de câblerie visible, encore moins de plastiques, peinture à la qualité irréprochable, bref, aucun détail “cheap” à se mettre sous la dent… Mais, contrairement aux apparences, Harley Davidson, ne se content pas de décliner ses classiques à toutes les sauces (Bobber, Chopper, Low Rider…) depuis 100 ans. Car la Slim est livrée, d’origine s’il vous plait, avec de vrais morceaux de technologie dedans. Authenticité et héritage oblige, la fée électronique se fait le plus discrète possible, à l’image de l’ABS dont les capteurs sont planqués à l’intérieur des moyeux ou de la centrale dissimulée on ne sait où vu l’évident manque de place. Idem pour l’alarme, qui fonctionne via un transpondeur à garder soigneusement dans sa poche et qui s’active dès qu’on s’éloigne de plus de deux mètres. Il y a même un mini-ordinateur de bord, qui fait défiler ses informations (rapport engagé et tr/min, autonomie, trips…) via un commodo au guidon dans une petite barre à cristaux liquides logé sous l’énorme console « Cat’s Eye » trônant sur le réservoir.
En selle
Avec ses 650 mm de hauteur de selle, enjamber la Softail Slim est une formalité. La relever de sa béquille l'est un peu moins vu que la belle, malgré son patronyme trompeur, pèse plus de 300 kg à sec. Mais le large guidon et le centre de gravité au ras du sol facilitent grandement les choses. D’ailleurs hormis les manoeuvres dans les endroits exigus, les trois quintaux ne se sont jamais révélés être un handicap durant notre essai malgré mon gabarit de crevette (mensurations sur demande). Bilan identique pour la position de conduite. Les plateformes repose-pied sont loin en avant et le guidon, large et bas, sont loin des canons ergonomiques d’un trail ou d’une GT, mais l’ensemble n’a rien d’anti-naturel, même pour le néophyte en custom que je suis. Passer d’une machine traditionnelle à la Slim, c’est un peu comme passer d’un bon siège de bureau à un fauteuil Club, on est bien sur les deux mais on sent immédiatement qu’ils ne sont pas fait pour le même usage… On continue dans le paradoxe ergonomique avec les commodos. Harley n’a jamais trouvé utile d’équiper ses machines de leviers réglables, mais leur forme particulière en accent circonflexe s’adapte aussi bien au 36 fillette qu’à la paluche de bûcheron. Le seul particularisme déroutant demeure les commandes séparées de clignotants (même BMW a abandonné ce gimmick face à la standardisation japonaise !) mais son action demeure plus simple qu’avec les bavaroises puisqu’il fait appuyer sur le même bouton pour activer ou désactiver les loupiotes oranges du côté concerné. En cas d’oubli, les clignotants s'arrêtent automatiquement selon la vitesse et l'angle de la moto.
En ville
Le gros twin de Milwaukee s’ébroue d’un coup de démarreur et laisse échapper de sa double sortie d’échappement une sonorité agréable, à la fois grave et syncopée, tout en distillant son lot de vibrations. En matière de filtration, on sent ici aussi tout le savoir-faire Harley-Davidson. Seules les “bonnes” sont sensibles, celles qui sont nocives pour les plombages et la visserie étant filtrées par un balancier d’équilibrage. Malgré l’injection, le ralenti est toujours un peu cahotant, oscillant entre 980 et 1100 tr/min. Probablement une facétie d’ingénieur afin de garder la signature sonore si caractéristique des anciens blocs à carburateurs.
Après avoir empoigné l’embrayage, un poil ferme, puis donné une impulsion sur le sélecteur à double-commande pour enclencher la première (“clong” !), la Slim décolle tranquillement, emmenée par les 13,5 mkg de couple disponible dès 2350 tr/min. Au bout de quelques kilomètres, les manœuvres à basse vitesse deviennent une pure formalité. Le centre de gravité bas et l’équilibre de la partie-cycle autorisent un contrôle surprenant en roulant quasiment au pas. La traversée de Marseille, cadre de notre essai, à une heure de pointe, met immédiatement plusieurs éléments en évidence. L’embrayage, malgré un premier contact ferme, ne s’est jamais révélé handicapant dans les embouteillages. Heureusement car la largeur conséquente de la Slim et son grand rayon de braquage n’en font pas une reine des zig-zag entre les files. Et si le gros twin ne chauffe pas outrageusement les jambes à l’arrêt, le réservoir d’huile en aluminium logé sous la selle renseignera fidèlement votre cuisse droite sur la température du moteur. Pas besoin non plus d’aller s’aventurer sur des départementales sinueuses pour explorer les limites de la garde au sol ! Il est possible de faire frotter allégrement les tétines montées sous les plateformes repose-pieds au premier rond-point serré. Mais ce raclement n’est qu’un indicateur, les plateformes étant montées sur charnières, il reste encore plusieurs degrés d’angle avant de faire frotter des parties plus vitales (et plus chères) de la Slim. Malgré ces limitations, l’engin demeure agréable à défaut d'être efficace.
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Départementales
Une fois sortie de la capitale Phocéenne, nous prenons la direction de la route des crêtes, route incontournable pour tout motard qui se respecte de passage dans le sud. En serpentant sur les départementales en mode “cruising”, le gros twin distille tout son charme entre 2200 et 3600 tr/min. Le pilonnement caractéristique et les vocalises déjà parfaites des échappements en version Street Legal accompagnent chaque relance avec bonheur. Pour dépasser rapidement bus de touristes et groupes de cyclistes, le nouveau bloc “103” offre encore plus de ressources entre 3600 et 4500 tr/min mais l’excédent de frein moteur à ces allures n’est pas compatible avec la philosophie de la belle. En tirant encore plus haut (5000 tr/min) la mécanique s’essouffle un peu et le râle étranglé qui s’échappe de l’admission vous font comprendre qu’il est temps de passer le rapport supérieur. Mais la puissance limitée du freinage pour freiner les plus de 300 kilos, malgré la présence rassurante de l’ABS, n’incite de toute façon pas à l’attaque. Pas plus que la garde au sol d’ailleurs. Les départementales n’en demeurent pas moins le terrain de jeu idéal pour apprécier pleinement ce Softail. Le cocktail bruit-good vibrations, la partie-cycle confortable et équilibrée incitent à trajecter pour ne pas gâcher la bande sonore par d’innombrables « scriiiitch » et le large bas de levier permet de passer d’un angle à l’autre sans effort. Sur les épingles et virages en aveugles, la Slim demande juste une certaine dose d’anticipation, l’improvisation en cas de mauvaise surprise demeurant très limitée.
Autoroutes et voies rapides
Taillé pour les highways américaines, le Bobber Harley est très à son aise tant qu’on ne vient pas flirter avec nos limitations de vitesse. Au-delà de 130 km/h, la position bras et pieds écartés offrent trop de prise au vent. Côté moteur en revanche, c’est l’Amérique. Calé en sixième, le “103” n’est pas loin de son régime de ralenti et le réservoir de 18,9 litres devrait offrir une autonomie plus que conséquente. Pour obtenir des relances correctes pour un dépassement (les bus, encore…), il faut tout de même tomber un rapport. Quant à la selle, aucun mal au fondement à signaler. Malgré son apparente finesse, elle s’est révélée remarquablement accueillante. Rien à signaler côté stabilité, avec ses 2,35 m de long et ses 31° d’angle de chasse, la Slim est imperturbable.
Confort/Duo
Entre un poids de Sumo, une garde au sol limitée (114 mm) influant directement sur les débattements de suspensions et une position de conduite “pieds en avant”, la Slim laissait craindre au pire. Il faut croire que les 28 ans de développement du cadre Softail ont porté leurs fruits. Même en visant les portions de bitume les plus défoncées, le confort n’a jamais été mis en défaut. Quant aux aptitudes au duo de la Slim, je vous invite à lire le paragraphe ci-dessous…
Accessoires
Vous voulez une selle biplace pour emmenée madame avec vous ? Vous trouvez le guidon trop bas ? L’échappement trop étranglé ? De la bagagerie ? Pas de souci, le catalogue de pièces adaptable HD est épais comme un annuaire et entre le vivier d’accessoiristes et les nombreux préparateurs de l’Hexagone, tous entièrement dédiés à la cause de Milwaukee, les possibilités de personnalisation sont virtuellement infinies. Seule limite à votre imagination, votre compte en banque…
Conclusion
Que ce soit en ville, sur autoroute ou départementale, la magie opère. Non pas à cause du nom sur le réservoir ou du mythe qui va avec mais parce que l’ensemble est aussi homogène que cohérent. Pris à part, la boîte un peu lente, l’embrayage un poil dur, la garde au sol limitée, le freinage sécurisant mais sous-dimensionné ou encore la prise au vent, sont autant de défauts agaçants. Pourtant, mis bout à bout, tous ces “fusibles” incitent inconsciemment à profiter de la Slim uniquement pour ce qu’elle est : une machine entièrement dédiée au Cruising. Et cette Harley Davidson excelle dans cet exercice. Le plaisir de conduite distillé à une allure sénatoriale est, ici, une formule parfaitement maîtrisée. Certes, on touche ici au subjectif, difficilement conciliable avec le métier de journaliste. Malgré cela, la journée passée au guidon de cette HD Slim fut une expérience aussi surprenante que réjouissante. La firme de Milwaukee parle volontiers d’hédonisme pour qualifier ses machines. Sans aller aussi loin, le plaisir distillé par ce Softail stylé est inversement proportionnel à la vitesse à laquelle il se déplace. Dommage que le prix à payer pour accéder à ce plaisir légal soit aussi élevé. Vendue 19 190 €, la FLS Softail Slim coûte au minimum 2000 € de plus que la concurrence. Au sein de la gamme HD en revanche, c’est presque une affaire, les tarifs de la très classique Fat Boy dont elle est extrapolée, débutent à 21 000 € !Points forts
- Design épuré et séduisant
- Le charme du twin
- Finition
Points faibles
- Garde au sol
- Freinage limité
- Le prix du mythe
disponible en noir mat, noir brillant et en rouge
La fiche technique du Softail Slim