Essai : Harley-Davidson Roadster par le repaire des motards.
Double frein à disque et fourche inversée : une version plus dynamique du Sportster 1200
4 coloris « Dark Custom », à partir de 12 590 €
À l’échelle mondiale, Harley-Davison reste un constructeur de grandes routières. Sur une production annuelle d’environ 265.000 motos, le marché américain en absorbe 150.000 et les trois quarts de ce volume sont constitués de modèles de la gamme « touring ». Néanmoins, les machines plus légères, Sportster et Dyna ont d’autres vertus, parmi lesquelles faire venir de nouveaux arrivants à la célèbre marque de Milwaukee, des jeunes et des femmes, voire des jeunes femmes. Bref, du sang neuf !
Parmi ces nouveaux arrivants, une grande partie est plus sensible aux grandes lignes de la culture urbaine contemporaine qu’à la pure symbolique harley-davidsonnesque, soigneusement, si ce n’est religieusement et en tous cas méthodiquement construite depuis 1903. Rendez-vous compte : cette nouvelle clientèle n’exclut pas de se montrer au guidon d’une Harley vêtue d’un sweat à capuches et d’une paire de baskets. L’inventeur des santiags se retourne dans sa tombe et Lorenzo Lamas en est tout défrisé. Pauvre Lolo !
Harley-Davidson Roadster, dernier né de la gamme Dark Custom
Mais qui n’avance pas recule et Harley-Davidson a su capter les attentes de cette nouvelle clientèle avec la ligne « Dark Custom » : des machines sobres, délaissant les traditionnels chromes pour une posture « rebelle » matérialisée par des teintes plus sombres. Des motos presque dépouillées, allant à l’essentiel : le plaisir de rouler et de ressentir toutes les sensations Harley-Davidson, le V2 étant plus que jamais la pièce maîtresse dans cet univers mécanique minimaliste. Bien entendu, le Sportster, une ligne de machines qui n’a jamais donné dans la surenchère, est en bonne place pour incarner cette nouvelle posture. Que ce soit en 883 (Iron) ou en 1200 (Forty-Eight), ces machines figurent en France parmi les meilleures ventes de la marque. Avec le Roadster, Harley-Davidson étend son offre avec une version un peu plus dynamique du Sportster 1200.
Découverte
1957. Le Sportster fait son apparition. Et il n’a jamais quitté la gamme depuis. Avec cette moto, Harley-Davidson s’est largement démocratisé. Pendant longtemps, elle a constitué le modèle d’accès, parvenant même à se placer sous la barre symbolique des 50.000 F dans les années 90. Aujourd’hui, c’est 10.000 € qu’il faut lâcher, mais l’accès au mythe reste relativement démocratique.
Le Sportster est une moto légère, puissante (à l’époque) et a été décliné au fil du temps dans des versions dépouillées (Iron) ou luxueuses (Custom), psychédélique (le 72), dynamique (le 883 R) voire dans un dérivé presque sportif (le XR 1200 X).
Essai de la Harley-Davidson Roadster
Notre nouveauté du jour n’hésite pas à prendre quasiment un nom générique. Roadster. Le Roadster, c’est un état d’esprit. Un refus des conventions, même, si l’on songe que le nom vient des petits cabriolets sportifs britanniques dont les conducteurs écoutaient les prémisses du rock n’roll, antithèse de la placide berline à papa qui préférait regarder les programmes de la BBC. En moto, le roadster, c’est un mélange de vent et de vitesse. C’est la fureur de vivre.
L’air de famille avec le Sportster originel est encore là : ce gabarit compact, cette allure ramassée, ce fier V2 trônant au centre. Une posture unique, maintes fois imitée, jamais égalée.
Harley-Davidson Roadster
Par rapport aux autres modèles de la famille Sportster, le Roadster ne se contente pas d’évoluer dans le détail. Outre ses coloris « dark custom » (noir mat ou brillant, gris, rouge foncé), on le reconnaît d’emblée grâce à fourche inversée dotée de tubes de 43 mm de diamètre et son double disque à l’avant avec ABS, ainsi que ses nouvelles jantes au dessin original, puisque les bâtons se croisent en partant du moyeu central. L’échappement est également nouveau, les deux silencieux sont recouverts d’un cache noir mat. La boîte à air et les carters sont recouverts d’un traitement en gris satiné. Guidon, tableau de bord, selle et amortisseurs arrière sont également nouveaux.
Silencieux de la Harley-Davidson Roadster
Si un œil peu habitué peinera à prendre en compte tous les détails, il est important de savoir que les designers de chez H-D attachent beaucoup d’importance à la posture de la moto, en mouvement, avec un pilote à son bord. Et là, quand vous croisez ce nouveau Roadster, vous voyez tout de suite la différence avec un autre Sportster : le guidon bas cintré comme un cyclo-rameur impose une posture assez penchée vers l’avant. Le petit phare confère au pilote une attitude encore plus dynamique et croiser un Roasdter renvoie à ces images de motos de course des années 20, que l’on appelait boardtracker…
En selle
Transpondeur dans la poche (nul besoin d'utiliser une clef), le Roadster, avec un « r » majuscule, se démarre d’une simple pression au commodo droit. Devant le pilote, le tableau de bord est nouveau, posé sur une platine qui rappelle fièrement que l’engin vient de « Milwaukee, USA ». Cela participe à la fierté de posséder une telle machine.
Dans son petit compteur rond, le tableau de bord offre l’essentiel : un gros compte-tours analogique en haut et en dessous, dans une petite fenêtre, la vitesse et le rapport engagé ainsi que, au choix, le kilométrage total, deux trips, l’horloge et l’affichage du régime moteur, histoire de faire doublon.
Compteur de la Harley-Davidson Roadster
D’un coup de démarreur, le V2 prend vie et tient un ralenti saccadé, aux environs de 1.000 tr/mn. Les leviers ne sont pas réglables et les commodos sont propres aux standards de la marque et très complets : commande de clignotant séparée (le droit à droite et le gauche, devinez où), mais le retour automatique simplifie la gestion de l’ensemble. Les warnings sont sur le commodo droit et les différents menus du tableau de bord défilent d’une pression sur un bouton au commodo gauche. Si vous avez des gants coqués, l’espace entre les poignées et le rétroviseur pourra paraître un peu juste. Note : il est incongru de conduire une Harley avec des gants racing.
Par rapport à un Sportster 48, les roues de plus grand diamètre (19 à l’avant, 18 à l’arrière au lieu de 16 partout) ainsi que les suspensions à plus grand débattement font que la selle passe de 710 à 785 mm. Rien de dramatique toutefois, puisque la moto reste fine et compacte. Et dense, aussi. Qui pourrait penser qu’elle pèse 250 kilos à sec soit plus que, au hasard, une BMW R 1200 GS Adventure qui doit être au moins deux fois plus volumineuse ? Mais chez Harley, on ne plaisante pas avec la qualité de fabrication et l’emploi de matériaux solides et de bon vieux métal. Sauf au niveau du garde-boue avant, en plastique (et dont le look tronqué, on le découvrira plus tard, renvoie des projections d’eau sous la pluie)
Harley-Davidson Roadster et Forty-Eight
L’ergonomie de cette machine est, sauf erreur, assez unique sur le marché. Moto fine, repose-pieds assez haut perchés en position médiane, guidon bas et courbé : la position de conduite est, disons-le, particulière. Elle participe évidemment au folklore et à la posture qu’incarne le pilote, mais elle peut ne pas convenir à tous les gabarits. À essayer avant d’acheter, donc, mais il est évident qu’un Sportster 48 sera plus naturel à conduire. Mais vous n’aurez pas l’air d’un coureur.
En ville
Une moto aussi fine et compacte ne peut qu’être à l’aise dans un environnement urbain. Et aller se faire admirer à la terrasse des cafés. Oui, mais avec quelques nuances.
Avant toute chose, on apprécie le caractère du V2. Les sensations qu’il délivre sont uniques : contact, démarreur, la première s’enclenche dans un « klonk » sonore. Lâchez l’embrayage sur un filet de gaz et grâce à quelques coups de pistons nettement perceptibles, vous avez parcouru la moitié de la rue. Le V2 de 1202 cm3 possède une vraie force dès les plus bas régimes et un joli sentiment d’allonge qui est très plaisant. Pas hyper souple, un peu rugueux, il aime à se balader à 2.000 tr/mn en 3ème, soit pile à 50 km/h, avec des reprises déjà énergiques au besoin. Feignants et paresseux de tous poils, n’espérez donc pas traverser les villages en restant en 5ème : à 2.000 tr/mn, ce qui constitue son seuil de souplesse, le Roadster est alors à 70 km/h.
Harley-Davidson Roadster en ville
L’ergonomie particulière de l’engin trouve ses limites en ville. Oh, pour cruiser sur les grands boulevards, ça ira. Mais pour faire de l’interfile voire pour slalomer sur une place de l’Etoile congestionnée, ça risque de se compliquer un peu : en cause, le guidon bas et cintré qui peut venir au contact des genoux lors des braquages intenses, tandis que les repose-pieds sont pile-poil à l’endroit où vous mettez les pieds à terre. Donc, pour les progressions au pas en ville au milieu d’un puzzle de voitures, on a vu mieux (mais ce scénario est assez loin de l’idéal d’un pilote de boadtracker).
De la même façon qu’on imagine mal Nicole Kidman avec un appareil dentaire, affubler le Roadster d’un top-case est une totale hérésie coupable de lapidation. Ses aspects pratiques étant assez réduits, on fera ce que l’on pourra pour le transport d’un antivol, d’une combine de pluie ou d’un raton laveur. Ici, le look l’emporte sur toutes les autres considérations.
Pour le reste : commandes d’accélérateur et de freins dosables et progressives, boîte de vitesse un peu ferme, mais parfaitement vivable, point mort facile à trouver : voici là une moto de caractère facile à vivre.
Harley-Davidson Roadster, dernier né de la gamme Dark Custom
Sur autoroutes et grandes routes
5ème rapport, 130 km/h : le V2 ronronne à 3.700 tr/mn. On est loin de la zone rouge à 6.000 tr/mn et le Roadster vaut probablement un bon 180 chrono. Néanmoins, si le moteur ne risque pas de s’essouffler et que les vibrations restent contenues, on aura vite compris que l’autoroute n’est pas sa tasse de té. L’absence de protection et la position de conduite, bien qu’inclinée vers l’avant, ne sont pas faites pour la vitesse. Car, même si le pilote peut se caler sur le petit bourrelet de selle, les jambes restent assez écartées et la prise au vent est considérable.
Au besoin, les 12,5 litres du réservoir imposeront des pauses tous les 200 kilomètres. Nul doute qu’elles seront les bienvenues. Par contre, même à vitesse élevée, les nouvelles suspensions confèrent une belle rigueur au châssis et aucun mouvement parasite n’est à observer.
Harley-Davidson Roadster sur autoroute
Sur départementales
À 90 km/h en 5ème, le V2 tourne au régime extrêmement paisible de 2.500 tr/mn. Le Roadster parcourt alors la campagne au son si caractéristique de son V2. Fine et compacte, mais dense, on l’a dit, le Roadster bénéficie de l’agilité naturelle que lui confère son pneu arrière de 150 mm de large. Il suffit de peu d’effort au guidon pour le faire tourner et, mieux encore, la faire passer de pif à paf.
Le Roadster a ceci de plus dynamique que son châssis lui permet des prises d’angles de 30,8° à droite et 31,1° à gauche : c’est nettement plus que sur un Sportster 48, qui frotte au bout de, respectivement, 27,8 et 26,1°. De fait, on peut être un peu plus directif et incisif au guidon du Roadster, sans crainte de faire frotter à tout va dans les virages, même si cela finit par arriver. En insistant, ce sont même les caches métalliques des échappements qui finissent par se marquer.
Harley-Davidson Roadster en virage
Bien entendu, on aura compris que la définition du sport à l’américaine est sensiblement différente de celle du sport à l’européenne. Question de philosophie. Avec ses 66 chevaux, ce gros Roadster reste moins puissant que les petits roadsters sur lesquels on passe le permis, genre MT-07. Il y a certes la valeur de couple de 97 Nm, plutôt respectable, mais elle se situe à 4.250 tr/mn, un régime qui est à la fois bas dans l’absolu et finalement assez haut au regard de la plage de régimes utilisables du moteur. Ce qui signifie qu’il faut cravacher ce 1200 si l’on veut enquiller un peu sur petites routes, mais fort heureusement, la mission n’a rien de désagréable avec une boîte ferme, mais qui verrouille bien, même lors des passages à la volée et, dans cet usage presque contre nature, le Roadster se révèle assez amusant à emmener. En cas de grosse attaque, la position de conduite reste toujours assez particulière : le copieux filtre à air à droite empêche de serrer correctement la moto avec ses jambes et le curieux guidon ne permet pas de la mettre naturellement le train avant en contrainte, ce qui peut entraîner un léger sous-virage. Mais le Roadster n’a pas vocation à signer des temps scratch dans des courses de côte et il reste plus efficace et nettement plus rigoureux que les autres Sportster, avec un freinage plus puissant et des suspensions nettement moins caricaturales, offrant un fonctionnement progressif sur les bons revêtements, ce qui participe au bon feeling d’ensemble en cas de conduite un tantinet sportive.
Harley-Davidson Roadster sur route
Partie-cycle
Harley-Davidson ne fait pas de zèle sur les fiches techniques et tout juste devra-t-on se contenter de savoir que la nouvelle fourche à cartouche possède des tubes de 43 mm de diamètre et que les nouveaux amortisseurs arrières sont réglables en précharge, par vis à leur sommet. C’est faible, comme info, mais les fans de Sportster ultra dynamique ont probablement déjà jeté leur dévolu sur un XR 1200 X avec suspensions Öhlins. Plus efficace en conduite un peu enlevée, le Roadster finit par montrer ses limites sur les petites irrégularités des routes départementales, avec des réactions assez sèches sur les petites cassures.
Amortisseur de la Harley-Davidson Roadster
Freins
Le Roadster est doté de trois freins à disque et d’un capteur d’ABS qui, selon la tradition Harley, est bien caché dans le moyeu. On ne le voit donc pas et c’est élégant. Cet ABS a le bon goût de ne pas se déclencher intempestivement et la puissance de freinage est suffisante compte tenu de la puissance relativement limitée de la machine. Quant au dosage, il n’appelle pas de critiques, avec un mordant relativement doux qui conviendra à tous les types d’utilisateurs, même les moins aguerris, suivi d’une puissance progressive et dosable. Même en usage un peu musclé sur les routes de l’arrière-pays marseillais, le freinage nous a ainsi paru tout à fait correct.
Frein de la Harley-Davidson Roadster
Confort / duo
Pour le tourisme, Harley-Davidson fait des motos plus adaptées, qui entrent justement dans la gamme « touring » ! On se doute bien que le Roadster n’a pas pour ambition de marquer de gros points dans ce chapitre. Néanmoins, l’assise est plutôt confortable au premier abord et le petit bourrelet à l’arrière de la selle permet de bien se caler. Au fil des kilomètres, l’assise pourra éventuellement se révéler un peu ferme, mais ce n’est pas dramatique. Le passager n’a pas de poignées de maintien pour se caler et une pratique régulière du duo pourra s’envisager, à la condition de monter un petit sissy-bar.
Selle de la Harley-Davidson Roadster
Conclusion
Avec son nouveau Roadster, Harley-Davidson redynamise la gamme Sportster, c’est une certitude. Cette machine est bien équipée (tableau de bord, partie-cycle) et l’écart de tarif reste contenu par rapport à une version plus dépouillée, telle que la 48. Comptez donc 12.590 € pour un Roadster en noir, 12.790 € en rouge foncé et 13.090 € en livrée deux tons grise et noire. À ce tarif, elle entre en concurrence avec une Triumph Bonneville T120 ou Thruxton et une Victory Octane, toutes deux plus puissantes, mais on pourra hésiter avec une Moto Guzzi V9 Roamer ou Bobber, dans le style vintage et lookée...
Les coloris de la Harley-Davidson Roadster
Indéniablement, son châssis optimisé fait grimper d’un cran les aptitudes routières et ludiques de la famille Sportster. À son guidon, on prend plaisir à enquiller tranquillement (un concept en soi !), profitant d’un freinage plus solide, d’une garde au sol améliorée et de suspensions qui fonctionnent.
Certes, la puissance restera un peu limitée dans l’absolu aux yeux de ceux qui avaient surévalué les prestations sportives de l’engin, mais le plaisir ressenti est réel sur les petites routes. Et en bonne Harley-Davidson, le Roadster s’apprécie surtout à un rythme paisible, ponctué d’une bonne accélération et d’une jolie trajectoire de temps en temps, tandis que sa position de conduite (et l’allure que vous renvoyez à ceux qui vous voient passer) est un bel hommage aux pilotes de boardtracker du début du siècle dernier. Chez Harley, la tradition fait indéniablement partie de l’ADN, même sur les machines destinées à séduire une nouvelle clientèle.
Points forts
Un Sportster plus « sportstif » et plus rigoureux !
Amusante et saine sur bonnes routes
Posture rebelle de pilote de boardtracker
Caractère moteur attachant
Tableau de bord complet
Faible décote à prévoir
Points faibles
Ergonomie en ville
Un poil sous-vireuse à l’attaque (mais est-ce bien sa vocation ?)
Confort de suspensions sur mauvaises routes (bien qu’en progrès par rapport aux autres Sportster)
Soudures apparentes sur les ancrages d’amortisseur arrière
Garde-boue avant en plastique
Garde-boue avant sous la pluie
La fiche technique de la Harley-Davidson Roadster
--> ici